Leptasterias polaris

 

 

Parmi les étoiles de mer qui peuplent l’estuaire et le golfe Saint-Laurent, on retrouve Leptasterias polaris

 

Leptasterias polaris

Parmi les étoiles de mer qui peuplent l’estuaire et le golfe Saint-Laurent, on retrouve Leptasterias polaris, une étoile à six bras d’une couleur variant du brun clair au rouge brique. Elle possède la particularité de couver ses œufs fécondés qui adhèrent fortement à une surface rocheuse. Au moment de l’éclosion au printemps, nous avons observé en laboratoire des dizaines de minuscules étoiles (1-2 mm) partir à la découverte du vaste aquarium à leur disposition.

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Leptasterias polaris en couvaison sur la paroi de verre de l’aquarium pendant l’hiver. (Photo E. Pelletier)

bébé L. polaris juste après l’éclosion au printemps. (Photo E. Pelletier)

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Rares sont les chercheurs qui ont utilisé

 L. polaris pour des fins de recherche en écotoxicologie. Il est important de noter que les étoiles de mer sont généralement de féroces prédatrices qui s’attaquent aux bivalves, aux petits crustacés et aux autres échinodermes de son groupe. Ceci en fait un sujet intéressant d’investigation quand on veut étudier le transfert des contaminants entre une proie et un prédateur et ainsi déterminer si un agent toxique bioaccumulé dans une proie, comme la moule bleue, peut aussi exercer ces effets sur les fonctions vitales du prédateur, comme son système immunitaire ou reproducteur. 

Dans un vivier avec de l’eau de mer en circulation en continu, nous avons alimenté quelques étoiles L. polaris avec des moules bleues ayant préalablement bioaccumulé du tributylétain (un composé toxique utilisé dans les peintures antisalissures des bateaux jusqu’au début des années 2000). Les étoiles ont dévoré les moules en quelques heures et nous avons observé sur une période de quelques jours une nette rétention du poison dans le système digestif de l’étoile mais relativement peu dans les gonades démontrant une bonne capacité de L. polaris de dégrader le polluant afin de l’éliminer (Bekri et Pelletier, 2004). Le système de défense immunitaire semblait donc en mesure de protéger l’étoile d’une importante attaque toxique provenant de son alimentation.

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L. polaris en prédation sur une moule bleue qui se trouve sous l’étoile et complétement prisonnière des six bras de la prédatrice. (Photo E. Pelletier)

Dans une étude subséquente, nous avons privilégié une approche cellulaire en examinant la composition biochimique des cœlomocytes de L. polaris. En fait, il s’agit de cellules de défense comparables à nos globules blancs (leucocytes) qui circulent dans le cœlome de nombreux invertébrés comme les vers de terre et les échinodermes. Il est facile de faire une petite « prise de sang» à une étoile de mer sans la blesser et d’étudier in vitro la composition et le comportement des cellules du système immunitaire quand celles-ci sont en pleine action de défense contre un agent toxique. Nous avons découvert que ces cellules très primitives par rapport aux leucocytes des vertébrés possèdent une capacité de résistance aux xénobiotiques, c’est-à-dire un mécanisme cellulaire très spécialisé qui permet aux cellules de reconnaître la présence d’un agent toxique et de le capturer pour pouvoir le détruire (Doussantousse et collab., 2011).

Nos travaux d’écotoxicologie sur L. polaris ont démontré la très grande utilité des étoiles de mer et de quelques autres échinodermes (comme l’oursin vert et le concombre de mer) pour étudier le transfert trophique des contaminants chez les invertébrés marins ainsi que leur système de défense contre les agressions des agents toxiques d’origine humaine.

Texte:  Émilien Pelletier

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Références

Bekri, K., É. Pelletier, 2004. Trophic transfer and in vivo immunotoxicological effects of tributyltin (TBT) in polar seastar Leptasterias polaris.  Aquatic Toxicology, 66:39-53

Doussantousse, E., É. Pelletier, L. Beaulieu, L.-C. Rainville et C. Belzile 2011. Multixenobiotic resistance in model coelomocytes from three echinoderm species. Aquatic Biology, 12: 81-96.